Respect pour une régulation professionnelle responsable, équilibrée et efficace

Points de vue

«L’affaire Smerep» a provoqué une mise en cause du Jury de déontologie publicitaire et un débat sur l’autorégulation. Après le président de l’AACC (Stratégies n°1738 du 3/10/2013) et un avocat spécialisé (Cf. n°1740 du 17/10), le président de l’ARPP défend l’édifice de l’autorégulation en place depuis 2008.


En 2008, les professionnels installaient un dispositif équilibré de régulation professionnelle et d’autodiscipline, centré sur l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), voué à la déontologie et destiné à promouvoir une publicité loyale, véridique et saine. L’ARPP et ses instances associées, le Conseil d’éthique publicitaire (CEP), le Conseil paritaire de la publicité (CPP) et le Jury de déontologie publicitaire (JDP), traduisent concrètement dans leur organisation et leur fonctionnement au quotidien cette ouverture voulue et pertinente sur la société civile, et plus encore l’engagement déterminé de la profession dans sa diversité et ses grandes composantes – annonceurs, agences, médias -, sur l’exigence éthique: celle-ci nécessairement en phase avec l’évolution de la société et le respect du public, et aussi avec l’aspiration naturelle des professionnels à préserver créativité et qualité de la publicité, conditions majeures de son efficacité économique.

Clé de voûte du dispositif français de régulation professionnelle, le JDP en renforce la crédibilité, la légitimité et la robustesse. Accès gratuit, procédures transparentes et contradictoires d’instruction et d’examen des plaintes, extrême soin apporté à motiver des décisions scrupuleusement inscrites dans le cadre exclusif de l’appréciation du respect ou non des règles de déontologie publicitaire ont satisfait, sauf exception, les parties.

Préserver l’indépendance politique

Ces points d’ancrage du Jury, dont les manquements aux recommandations de l’ARPP, sanctionnés par une publication de ses décisions, plus pédagogique que stigmatisante d’ailleurs, sont autant de garanties pour les plaignants et les auteurs des messages et des campagnes visés, qui sont en droit d’exiger un traitement rapide, sérieux, équitable et argumenté des dossiers; ce qui est le cas. Le mérite en revient au travail et à la compétence des personnalités indépendantes qui le composent.

Les professionnels font confiance au JDP, instance où ils ont, à juste titre, opté de ne pas être représentés ès qualités afin d’écarter en permanence le moindre soupçon de connivence, de corporatisme ou de conflit d’intérêts. Choisis pour leur autonomie tant vis-à-vis des praticiens que des défenseurs de toute cause, leur expertise des problèmes de société et leur approche raisonnée des codes et des pratiques de la publicité, ses membres veillent, tout particulièrement, avec chaque composante de l’ARPP, à ce que le JDP ne soit ni politiquement instrumentalisé, ni fragilisé, ce qui rejaillirait négativement sur l’ensemble de la régulation professionnelle de la publicité

La crise, une conjoncture économique difficile peuvent amener à des critiques parfois acerbes et pas toujours justifiées du dispositif de régulation, face auxquelles l’ARPP, par construction, est tout naturellement solidaire des instances associées, notamment quand l’indépendance politique du JDP est injustement mise en doute.

Un «droit souple»

Il est dans l’esprit même de la régulation professionnelle de surmonter ces critiques et d’aplanir les malentendus, sans pour autant déclencher une inutile et nocive mise en cause des «fondamentaux» de l’ARPP et du JDP, qui font depuis cinq ans et plus preuve de leurs qualités. Des ajustements du règlement intérieur du Jury ont ainsi été proposés en vue d’optimiser son rôle. lls seront discutés dans le cadre de la gouvernance de l’ARPP.

Certains voudraient davantage de «droit dur», de règlements imposés et la judiciarisation des conflits, et moins d’autorégulation. Ce serait, à coup sûr, aller à contre-courant d’une évolution positive en faveur d’un «droit souple», qui voit sa légitimité et son utilité reconnues par le Conseil d’Etat comme une alternative possible, particulièrement pour la publicité et sa déontologie, et alors que la grande majorité des pays européens optent aussi pour des formules de régulation professionnelle de la publicité.

La profession irait clairement à l’encontre de ses propres intérêts en provoquant des réglementations supplémentaires alors que la publicité est en France déjà l’une des plus réglementée au monde. Elle frustrerait le public et les associations, qui se trouveraient soudainement privées d’un accès légitime, facile et efficace à des questions de déontologie si proches de problèmes majeurs de notre société.

François d’AUBERT

Président de l’ARPP


Paris, le 31 octobre 2013

Information traitée dans Stratégies Magazine n°1742