Ainsi que l’a rappelé un Avis récent du Conseil de l’Éthique Publicitaire « l’autorégulation est une procédure rapide, économique, efficace (…) qui responsabilise ceux qui s’y contraignent ; elle a enfin la vertu de s’adapter aisément à toutes les situations et à toutes les évolutions ». En France, elle fait ses preuves depuis 1935, ne cessant de faire évoluer ses règles éthiques grâce notamment à la mobilisation des professionnels adhérents de l’ARPP et aux travaux de ses Instances associées.
Pour autant, même si elle est de plus en plus reconnue – nous sommes très impliqués dans de nombreuses politiques publiques – le fonctionnement de l’autorégulation publicitaire reste assez peu connu de nos décideurs politiques, notamment le Parlement. Trop souvent encore, l’inflation réglementaire dans notre pays « aux 400 000 normes » vire au casse-tête pour ceux qui doivent les appliquer. Le législateur ne devrait plus s’intéresser à des sujets déjà couverts par l’autorégulation, sans regarder au préalable ce qui est déjà en place. S’il le faisait, il s’éviterait souvent de légiférer. Utilisé à bon usage, le droit souple dans lequel s’inscrit l’action de l’ARPP et dont l’importance a été réaffirmée en 2013 par le Conseil d’État, est de replacer la loi dans un temps long, de la protéger ainsi des soubresauts liés à l’actualité et de lui conférer une stabilité, indispensable à la bonne marche de l’État. Moins et mieux légiférer doit être une étape clé dans
la gouvernance française et européenne.
L’autorégulation souffre d’un autre « cousinage » : la corégulation souhaitée par certains acteurs. Si l’autorégulation se définit comme la possibilité pour les opérateurs d’adopter entre eux et pour eux-mêmes des lignes directrices communes, la corégulation implique un partage de responsabilités entre partenaires publics et privés.
La publicité est régulièrement attaquée et dès qu’une campagne sort du cadre, un certain nombre de personnes émettent des doutes sur le fait que la publicité soit régulée.
Il est donc important de rappeler que l’autorégulation professionnelle publicitaire existe, qu’elle fonctionne très bien et que ce n’est pas la peine de répliquer les contrôles, d’autant que l’image de la publicité est souvent ternie par des épiphénomènes. Certains sont dus à une méconnaissance des règles et une lettre de l’ARPP suffit à remettre la publicité incriminée dans le droit chemin des bonnes pratiques.
D’autres sont le fait de quelques moutons noirs, peu représentatifs et pour lesquels il est incertain que le droit dur les atteigne, dont les errements font des ravages auprès de l’opinion et des Pouvoirs publics entraînant de réelles menaces de durcissement de la législation voire d’interdiction pure et simple. Par ses bilans d’application des règles éthiques dont se dotent volontairement les professionnels au-delà des contraintes législatives et réglementaires, l’ARPP montre que les manquements pour être parfois abracadabrantesques sont heureusement fort rares.
Ces bilans d’application sont très complets, ils ne se font pas dans un esprit de censure, ni ne se retranchent derrière une pseudo-objectivité chiffrée. Les critères ne peuvent pas être purement quantitatifs. Les juristes-conseil analysent finement les situations, les visuels et les mots qui comptent vraiment dans une publicité, le tout dans une approche de pédagogie, de consensus et de recherche d’amélioration continue.
Pour autant, le « bad buzz » autour d’une publicité qui heurte les sensibilités s’étend à la vitesse de la lumière quand les informations sur le faible nombre de manquements aux Recommandations sort peu du cénacle des professionnels et de la presse spécialisée de la communication. C’est bien connu, on ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure !
Néanmoins, dans notre mission de concilier la liberté d’expression des professionnels et le respect des consommateurs, nous devons rester attentifs à toute forme de dérive possible.
L’adaptation du monde digital et de ses acteurs à l’autorégulation reste un enjeu majeur. Forte d’actualisations régulières, la Recommandation ARPP « Communication publicitaire digitale » a démontré, si besoin était, sa grande plasticité et sa capacité à intégrer rapidement les changements d’usage.
Le gros dossier en cours, dans la lignée de l’utilisation des Big data (sur lesquelles le CEP avait rendu un Avis en 2016 prônant le renforcement de la transparence vis-à-vis du consommateur), c’est aujourd’hui la protection des données personnelles dans le cadre de la RGPD, le nouveau règlement européen sur la protection des données et du règlement e-privacy, concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques. Si la volonté des consommateurs et plus largement des citoyens de maitriser l’usage de leurs données personnelles est tout à fait légitime, je suis le premier à y souscrire, il faut arriver à la concilier avec les besoins de la publicité et sa recherche de ciblage. Le recours à l’intelligence artificielle est aussi une source d’inquiétude pour les consommateurs mais aussi une opportunité pour les professionnels. Début 2018, le Jury de Déontologie Publicitaire en a été témoin à propos des campagnes sur les véhicules intelligents.
La publicité financière est également un sujet sur lequel les consommateurs attendent des positions plus responsables.
L’ARPP a publié une réflexion éthique sur les crypto-actifs, déjà très cadrés mais faisant beaucoup parler en termes de pertes financières. N’existant que sur le Net, les monnaies virtuelles dont la plus connue est la plus ancienne (2008), est le Bitcoin – mais il existe aussi le Litecoin, le Peercoin, le Namecoin, ou encore l’Ethereum, le Ripple, etc. – ne sont soumises aujourd’hui, à aucun contrôle d’État ou d’Autorité centrale. Tant qu’il n’y a pas de régulation sur ces « monnaies virtuelles » et parce qu’elle doit répondre à des demandes de conseils sur des publicités qui arrivent des médias ou des régies sur des textes très ambigus de ces produits financiers l’ARPP a pris une position d’alerte et de limitation de la publicité sur ces produits. Nous savons aussi utiliser le principe de précaution quand les risques apparaissent élevés pour les consommateurs qui ne sont pas tous des investisseurs aguerris.
Rapport d’activité 2017
Paris, le 6 juillet 2018