Publicité : détecter les signaux faibles de la mobilité des sensibilités – Juin 2017

Etudes

Depuis 2011, l’ARPP a lancé avec l’IREP (tiers de confiance neutre et expert) une série d’études permettant de comprendre – au-delà des déclarations convenues – la perception qu’ont les Français de la publicité (au sens général du terme) ainsi que la sensibilité de la société, à un moment donné, vis-à-vis des sujets qui sont dans le spectre de compétence de l’Autorité.

L’ARPP dispose ainsi d’éléments de cadrage pour enrichir la réflexion de ses administrateurs, de ses équipes opérationnelles et de ses Instances associées (CEP, CPP et JDP) et exercer son rôle de régulateur au plus près des attentes sociétales des Français. En 2016, deux vagues d’études ont été réalisées par Iligo, l’une faisant un focus sur l’image de la personne humaine et plus particulièrement de la femme, l’autre sur un nouveau format publicitaire : la publicité native (« native advertising »).

L’étude Perception’Com, réalisée par Iligo, a pour objectif de faire émerger les signaux faibles en lien avec la publicité et la consommation pouvant potentiellement devenir des sujets à problème dans la pratique future de l’ARPP. Les répondants issus d’un panel « Influenceurs » sont invités à déclarer sur une échelle de 0 à 10 leur degré d’inquiétude vis-à-vis de chaque thématique liée à la publicité (une quarantaine regroupée en 12 grands thèmes) ; une note de 0 signifiant qu’elle ne les inquiète pas du tout, de 10 qu’elle les inquiète fortement.

La vague 1 (2015) de Perception’Com montre que 40 % des thématiques retenues suscitent un niveau d’inquiétude substantiel (analyse sur la base des individus se déclarant très inquiets – note de 8 à 10).

La vague 2 fait ressortir une légère progression de l’inquiétude globale envers la publicité dans neuf grandes thématiques sur douze, pouvant être regroupées sous trois thèmes principaux : la représentation globale des femmes, la religion et les données privées.

Dans la vague 3 l’appréciation générale de la publicité progresse (68 % d’appréciation positive contre 63 % lors des deux vagues précédentes) notamment sous l’accroissement des répondants ayant déjà l’opinion la plus positive (+ 5 points).

Quoiqu’il en soit, dès que l’on analyse l’enquête item par item, il apparaît que la hiérarchie du Top 10 des inquiétudes des répondants, bouge peu même si, dans la vague 3, la représentation de l’anorexie s’est glissée en dixième position (elle était la 14ème préoccupation dans la vague 2 et la 13ème dans la vague 1), la trop grande minceur des mannequins faisant polémique.

Les évolutions constatées dans la vague 2

Un quart de la population s’inquiète désormais de la représentation de l’égalité femme-homme dans la publicité (+ 5 points par rapport à la vague 1), avec un différentiel de 10 points chez les femmes qui s’inquiètent davantage, ainsi que les personnes de 50 ans et plus (+ 8 points à 23 %). Les seniors rattrapent ainsi leur retard par rapport aux 18-34 ans (28 % d’inquiets, + 5 points) et aux 35-49 ans (26 %, + 3). Dans cette seconde vague, il n’existe plus de différence entre les catégories socioprofessionnelles, un quart des CSP + et un quart des CSP – exprimant la même inquiétude sur la représentation femme-homme.

La représentation publicitaire de la femme au sein de la famille est l’inquiétude progressant le plus. Elle est désormais ressentie par 29 % de la population (+ 7 points) et surtout 36 % des femmes. Elle s’avère intergénérationnelle. Même si elle est davantage exprimée par les 35-49 ans (33 %) et les 18-34 ans (32 %), c’est chez les 50 ans et plus qu’elle progresse le plus fortement (+ 9 points à 23%). Mais aussi chez les CSP – (+ 9 points à 31%).

Plus d’un Français sur quatre s’inquiète de la représentation publicitaire de la femme au sein de l’entreprise et de la société. Les femmes s’avèrent plus anxieuses (+ 7 points à 30 %) que les hommes (+ 4 points à 22 %). Les 50 ans et plus (+ 9 points à 23 %) et les CSP + (+ 7 points à 25 %) sont ceux chez lesquels l’inquiétude a le plus progressé, bien qu’elle soit d’abord partagée par les plus jeunes (30 % des 18- 34 ans et 28 % des 35-49 ans)

Plus d’un Français sur quatre s’inquiète également de la présence de personnes de confession catholique dans la publicité. (27 % exactement, + 5 points). Cette inquiétude monte particulièrement chez les femmes (+ 7 points) pour quasiment atteindre le niveau des hommes, et doubler chez les 18-34 ans (+ 13 points, de 17 à 30 %). Elle progresse également de dix points chez les CSP– (pour atteindre 31 % versus 21 % pour les CSP+). Il faut sans doute y voir l’impact du débat sur la laïcité, qui avait ressurgi dans l’actualité. De fait, les représentations dans la publicité des religions catholique et judaïque et des personnes représentant ces religions suscitent désormais les mêmes inquiétudes (27 %), cinq points derrière la présence de personnes de confession musulmane (32 %, un chiffre égal à celui de la vague 1).

Parmi les inquiétudes ayant le plus progressé, l’étude révèle également une sensibilité accrue sur la présence de personnes handicapées et la mise en scène du handicap.

Les évolutions constatées dans la vague 3

Les évolutions sont moins marquées que lors de la vague précédente. Les inquiétudes progressent sur la représentation de l’alcool, des maladies graves (et des personnes en étant atteintes) et de la mort par accident. Elles ont sans doute été orientées par l’actualité du moment. A l’époque de l’enquête, en effet, la Sécurité Routière venait de communiquer des mauvais chiffres (+ 30,4 % d’augmentation de mortalité sur les routes par accident en un an), le Ministère de la Santé lançait une campagne de communication très commentée contre le sida, dix jours avant le déroulement de l’événement annuel caritatif du Téléthon.

Près de quatre Français sur 10 sont inquiets de la représentation de l’alcool dans la publicité (+ 4 points par rapport à la vague 2 à 36 %). Les femmes y sont plus sensibles (+ 6 points à 39 %), ainsi que les 50 ans et plus (+ 3 points à 43 %) même si c’est chez les 35-49 ans que cette inquiétude monte le plus (+ 6 points à 34 %). L’écart est de 9 points entre les CSP – et les CSP + (40 % versus 31 %). On voit là qu’il s’agit d’une inquiétude sociétale qui se transpose sur la publicité, cette thématique y étant peu développée.

La représentation des maladies graves est l’inquiétude progressant le plus (+ 5 points), cette progression étant plutôt partagée équitablement entre les sexes et un peu moins par les 34-49 ans (26 % vs 28 % pour les seniors et 29 % pour les 18-34 ans). Les CSP – sont les plus inquiets (à hauteur de 32 %, + 7 points).

Les mêmes évolutions se retrouvent quant à l’inquiétude sur la représentation de personnes atteintes de maladies graves avec toutefois une sensibilité accrue chez les femmes, 28 % d’entre elles (+ 6 points) éprouvant une crainte en la matière contre 25 % des hommes.

Plus de trois Français sur dix (34 %) avouent une inquiétude quant à la représentation de la mort par accident. Ce sont là encore plutôt des femmes (à hauteur de 36 %, + 9 points en un an), des seniors (37 % des 50 ans et plus, + 9 points également) et des CSP – (38 %, toujours + 9 points).

Une question suivie sur les données privées

Depuis la première vague de l’enquête, les inquiétudes des « Influenceurs » concernant l’accès aux données privées et l’utilisation qu’il peut en être fait sont suivies au travers de cinq items (cf. tableau). On y voit des niveaux d’inquiétudes proches entre les hommes et les femmes et globalement élevés concernant la moitié d’entre eux. On note des fluctuations sensibles selon les vagues, les inquiétudes s’étant globalement accentuées lors de la vague 2, notamment en ce qui concerne le rapprochement des données collectées par plusieurs marques/entreprises (+ 3 points versus la V1). Sur la vague 3, c’est plutôt l’accès aux données personnelles sur son smartphone, considéré – notamment par les jeunes générations comme un prolongement de soi – qui progresse le plus. En dehors de ce qui est exprimé, « il y a une inquiétude latente sur ce sujet » expose Olivier Goulet, Président d’Iligo. Il pronostique que le jour où l’actualité rendra compte d’un vrai problème, « il y aura un déclencheur, les individus vont réagir très rapidement ».

Depuis le démarrage de l’enquête barométrique, la géolocalisation grâce à son smartphone reste en deçà des autres motifs d’inquiétudes (- 4 points vs la V2).

Quelle reconnaissance de la publicité native ?

La question d’actualité de la vague 3 a été posée sur la publicité native (« native advertising »). La Recommandation ARPP Communication publicitaire digitale définit ce format : «Le native advertising regroupe une famille de formats publicitaires protéiformes qui adoptent – ou s’approchent au plus près – le design et l’ergonomie du site sur lequel ils se trouvent et s’adaptent à l’expérience de l’utilisateur ». La publicité native s’insère dans le flux rédactionnel, en dehors des emplacements publicitaires classiques. Pour autant « son caractère publicitaire doit être clairement identifiable par le lecteur » en utilisant, comme les publi-reportages dans la presse des mentions de type : « communiqué », « sponsorisé par », « en partenariat avec », etc.

L’enquête a consisté à soumettre aux « Influenceurs », plusieurs captures d’écran – web ou app – intégrant de la publicité native suivant les cinq formats retenus par l’IAB :

  • L’in-feed social : une publicité intégrée au flux des réseaux sociaux ;
  • L’in-feed éditorial : un article sponsorisé intégré au fil d’actualité des sites et applications d’un éditeur et reprenant les codes et le design du rédactionnel ;
  • L’in-feed externe qui redirige vers une page extérieure au site d’origine, le site de l’annonceur notamment.
  • Les promoted listings qui permettent la comparaison de produits ou de services s’intégrant au design et à l’expérience utilisateur que l’on trouve en grande majorité sur des sites dont l’objectif est la découverte de produits ou de services ou leur comparaison.
  • Les modules de recommandation intégrés au sein du contenu éditorial pour recommander des liens vers d’autres contenus susceptibles d’intéresser le lecteur.

Les « Influenceurs » se sont également vus proposer une vidéo où des « YouTubers » citaient des marques. Des leurres ont été ajoutés, avec des exemples sans « native advertising » pour savoir s’il y avait ou non identification de la publicité. Les répondants devaient cliquer là où ils voyaient de la publicité ou du contenu de marque.

Les principaux enseignements

  • L’étude fait ressortir qu’il y a une faible identification de la publicité en général.
  • La publicité apparaît toutefois systématiquement mieux identifiée que le « native advertising ». Les gens reconnaissent en premier la bannière et seulement en second la publicité native (qui en l’occurrence avait le même format que l’article situé à côté). Le fait de ne pas savoir qui est l’émetteur crée une gêne, tout se mélange créant un manque de confiance.
  • Il y a une confusion entre la publicité, le contenu éditorial rédactionnel et le contenu publicitaire. Sur l’un des exemples, 27 % des gens cliquent sur le contenu en pensant que c’est de la publicité, quand ils sont seulement 3 ou 4 % à cliquer sur les formats « native ».
  • L’image est-elle synonyme de publicité ? Les répondants cliquent assez systématiquement sur les visuels. On a vu des internautes cliquer sur des images d’un site d’information, alors qu’il n’y avait aucune publicité sur le site.

Concernant la vidéo avec placement de produits, ce n’est pas un problème pour les jeunes générations d’avoir des marques dans le flux du contenu. Ils y sont habitués, cf. les jeux vidéos.

Les « Influenceurs » devaient également répondre sur le choix d’une mention permettant d’évoquer un contenu publicitaire et donc de différencier le « native advertising » du rédactionnel. Toutes les propositions (Contenus sponsorisés, Liens sponsorisés, Publicité, Partenariats, Actualité des marques, Contenus partenaires, Recommandé par, Présenté par, Vous pourriez aimer, Ailleurs sur le web) ont été déclarés à plus de 50 % comme évoquant ce contenu publicitaire, les mentions moins commerciales étant logiquement moins liées à la publicité.

Une forte attente de publicité responsable et respectueuse

Iligo pose à son panel d’« Influenceurs » des questions sur leur appréciation éthique de la publicité et leur perception de la réglementation publicitaire en complément des items suivis dans l’étude Ipsos.

Selon les vagues de l’enquête Perception’Com :

  • entre 89 et 91 % des « Influenceurs » sont « d’accord» ou « tout à fait d’accord » avec l’idée qu’« Il est important que la publicité soit respectueuse » ;
  • entre 81 et 84 % pensent que « la réglementation publicitaire devrait inciter les gens à être plus responsables dans leur vie quotidienne » ;
  • entre 82 et 85 % approuvent qu’elle devrait uniquement mettre en avant des comportements responsables et respectueux.

Chronologie et complémentarité des études

L’ARPP et l’Institut de Rercherche et d’Etudes Publicitaires (IREP) ont initié avec Ipsos (en 2011 et 2015) et avec Iligo (à compter de 2015) deux types d’études complémentaires.

  • Portant sur l’ensemble des formes de communication – médias (internet compris) et hors-médias –, l’étude de 2011 (« La publicité et les Français ») menée par Ipsos a servi à déterminer les grandes tendances, les nouveaux rapports à la publicité et aux publicités
    et à identifier des axes d’analyse.
  • En 2015, ce baromètre Ipsos s’est recentré sur les items les plus pertinents et les plus opérationnels pour l’ARPP et a introduit une série de nouvelles questions.
  • Depuis 2015, une étude plus spécifique –
    « Perception’Com » – menée avec Iligo a pour objectif de faire remonter les signaux faibles en lien avec la publicité et la consommation, à savoir parmi les sujets pour lesquels l’ARPP peut être interpelée, ceux qui aujourd’hui sont en train d’émerger comme étant potentiellement des sujets à problème. Cette étude permet d’interroger de façon réactive sur des thématiques publicitaires davantage liées à l’actualité via une communauté d’« Influenceurs » (2 400 membres à raison de 500 répondants par vague) et une étude qualitative du web. Ces « Influenceurs » sont définis comme des individus ayant un réseau (virtuel ou physique), d’amis, professionnel ou associatif et donc de ce fait, la possibilité de s’adresser à un grand nombre de personnes et d’avoir une influence sur
    la propagation d’une opinion.

La question d’actualité de la vague 1 (octobre 2015) a porté sur la publicité et la COP 21. Celle de la vague 2 (avril 2016) sur l’image de la personne humaine et en particulier de la femme et celle de la vague 3 (du 24 novembre au 6 décembre 2016) sur la publicité native.

Une étude récompensée par un trophée d’argent

Avec cette étude Perception’Com, Iligo a remporté un Trophée Argent dans la catégorie Marque et publicité lors de la première édition des Trophées Etudes et Innovations 2016 organisée par la lettre professionnelle Offremedia et Syntec Etudes.

Juin 2017