Soyez fiers de la publicité !

Points de vue

L’année 2013 s’est achevée avec la publication d’un avis très novateur de notre Conseil de l’Ethique Publicitaire intitulé : Qualité de la créativité et règles.

Dans une réflexion plus transversale, qui signe l’originalité de ce 17ème Avis, les membres du CEP ont privilégié une analyse globale de l’expression publicitaire : comment la créativité, inhérente à la qualité de la communication, peut-elle s’exprimer aujourd’hui, au milieu des règles existantes ?


Le bilan d’action des 5 ans de la refondation de l’ARPP et les demandes de nos adhérents convergent vers cette même analyse : les règles sont, à présent, nombreuses, elles couvrent globalement l’ensemble des thématiques rencontrées… alors, laissons la publicité respirer !
Il faut respecter l’imaginaire du consommateur en lui reconnaissant une part de liberté dans la perception des messages publicitaires.

Il est important de souligner le caractère consensuel de cette demande, portée tant par les professionnels de la publicité que par les Personnalités Qualifiées issues de la société civile, membres du CEP et par son Président, Dominique Wolton, qui doit guider l’ARPP dans ces travaux en 2014.

Nos prédécesseurs ont créé l’organisme d’autodiscipline français il y aura bientôt 80 ans, pour se prémunir contre des publicités, qui ne seraient pas « loyales, véridiques et saines », d’abord dans la presse en 1935, puis dans tous les médias au fur et à mesure de leur utilisation à des fins de supports publicitaires, à partir de 1953. Ils ont également adopté un Code mondial des pratiques loyales de publicité au sein de l’International Chamber of Commerce dès 1937, dont l’ARPP est toujours partie prenante. Ce socle des règles déontologiques rédigées et adoptées par la profession, est en place depuis 40 ans. Il a eu le temps de faire ses preuves.

40 ans de Recommandations et une démarche de certification des bilans déontologiques

La première Recommandation du BVP date du 1er mars 1974. Elle était relative aux produits d’« Hygiène et beauté ». 40 ans plus tard, la Recommandation ARPP « Produits cosmétiques », adoptée dans sa 7ème version en octobre 2013, en est l’héritière directe montrant le caractère pragmatique et souple de la régulation professionnelle, dont les règles déontologiques sont actualisées en fonction des évolutions technologiques et des valeurs d’une société en mouvement.

Conformément à sa gouvernance tripartite et la consultation des parties prenantes, l’ARPP publiera, en 2014, un nouveau recueil réunissant, pour la première fois, ses Recommandations ainsi que les avis du CEP et du CPP (Conseil Paritaire de la Publicité). Ce travail de « revue de direction », de compilation et de mise en perspective illustre aussi parfaitement la force de l’autodiscipline publicitaire, qui s’exprime dans la durée.

Ainsi, le dernier bilan de la Recommandation ARPP « Image de la Personne Humaine » est le dixième publié sur ce thème depuis l’engagement avec les Pouvoirs publics de privilégier la démarche responsable des professionnels. En 2013, nous avons publié cinq études-bilans de bonne application des règles déontologiques et sommes actuellement en fin de validation du référentiel de certification des bilans par un organisme reconnu, Bureau Veritas.

Reconnaissance et valorisation de la déontologie par les autorités publiques

Aujourd’hui, la régulation professionnelle a la faveur des pouvoirs publics, qui y voient l’intérêt de moins et ainsi de mieux légiférer, en confiant le soin aux professionnels concernés de définir leurs règles, dans le secteur qui les concernent, sans préjudice de l’application de la règle de droit « dur ».

Dans l’étude que le Conseil d’État a consacrée en 2013 au « droit souple », l’autorégulation publicitaire est saluée comme un exemple faisant l’objet d’un consensus généralisé, en France et à l’étranger. Nous pouvons en être fiers, mais cela nous crée aussi des devoirs et une responsabilité collective, tant vis-à-vis des autorités publiques que des consommateurs.

Le fonctionnement de la régulation professionnelle

Le modèle européen d’autorégulation, suivi au-delà de nos frontières, repose sur l’opposabilité des règles déontologiques aux professionnels de la publicité. C’est, d’une façon générale, le fonctionnement même des codes de déontologie ou des décisions rendues par un organisme d’autorégulation qui les appliquent : ils ne contraignent pas leurs destina¬taires à les respecter, lesquels restent libres, en conscience, de ne pas le faire. En revanche, il importe que ces instruments soient publiés, même – et surtout – si quelques-uns sont tentés de ne pas les respecter. Chacun peut ainsi faire ses choix, face à ses publics, dans un monde où la viralité, positive comme négative, se propage à la vitesse de la lumière.

Le JDP ne doit-il juger que les campagnes non présentées en conseil à l’ARPP ?

De par leur nature, les règles déontologiques ne peuvent pas être analysées par un juge, qui « tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables [1] » ; il ne peut donc pas apprécier légitimement un litige par rapport à une norme d’autorégulation. Le fait, qu’en 2013, une décision du JDP ait été contestée devant les tribunaux nous invite pourtant à nous interroger sur notre fonctionne-ment. Comme les statuts de l’ARPP le prévoient, j’ai réuni un Conseil consultatif d’administrateurs le 10 janvier 2014, avec les Présidents du Jury de Déontologie Publicitaire. Il est certes intéressant que des plaintes permettent au Jury d’examiner des cas non soumis préalablement à l’ARPP en conseil, mais le principe même du JDP s’inscrit dans une logique de double analyse. Dans les débats interprofessionnels qui ont précédé sa constitution en 2008, il existait clairement le souhait d’installer une instance en capacité de se prononcer sur les mêmes règles que l’ARPP en conseil préalable, mais avec une formation professionnelle différente indépendante des annonceurs, des agences, des médias, des associations, afin d’être en mesure de légitimer (ou non) l’interprétation faite en conseil par l’ARPP. Cela crée parfois des malentendus, mais exclure du jugement du JDP des campagnes déjà présentées à l’ARPP, serait prendre le risque d’enlever au JDP et à l’ARPP une partie de leur légitimité.

Je ne crois pas que le nombre de cas concernés justifie cette prise de risque : en 5 ans, seules 10 décisions du JDP ont contredit l’analyse de l’ARPP. Qui plus est, sur les quelques 3 200 plaintes reçues par le JDP depuis sa création, ayant abouti à plus de 300 publicités examinées par le Jury en séance plénière, seule une soixantaine avait été visée par l’ARPP avant diffusion.

Enfin, il me semble important de rappeler quelques « fondamentaux ». La publicité est dans la vie, économique d’abord, mais aussi médiatico-culturelle. Je crois que les professionnels ont parfois tendance à s’auto-flageller, omettant de mettre en valeur ce que la publicité apporte à l’économie et à la croissance. La Fédération interprofessionnelle au Royaume-Uni (Advertising Association) et Deloitte ont évalué à 100 Mds £ la valeur de la publicité, combustible de l’économie britannique [2]. Avec une population et un PIB proches, la France devrait pouvoir légitimer ces 120,5 Mds €. Dans le même esprit, les Ministres de l’Économie et des Finances, et de la Culture et de la Communication [3], viennent de publier une étude conjointe démontrant un poids significatif du secteur culturel en France, avec 104,5 Mds € d’apports directs et indirects à l’économie nationale en 2011. L’apport isolé de la publicité est de 11,8 Mds €, plus que le cinéma (8,6 Mds €) et proche de la presse (15,0 Mds €) et de l’audiovisuel (15,6 Mds €). En termes d’emploi, ce sont plus de 100 000 postes qui relèvent du champ de la publicité, soit le double de l’audiovisuel, et plus que les 86 790 emplois de la presse (INSEE : 2010). Enfin, en ces périodes de rationalisa¬tion budgétaire de l’État, il est bon de rappeler que les interventions publiques qui soutiennent à hauteur de 9,3 Mds €, l’économie de la culture, coûtent 0 € dans la publicité ! (voire sont négatives si l’on prend en compte plusieurs taxes directement assises sur la publicité).
Collectivement, acteurs et parties prenantes de la publicité peuvent être fiers de leur activité et de leur dynamisme.


François d’Aubert,

Président de l’ARPP


Paris, le 23 avril 2014